Bassins à schlamm

Alphonse Muller : "Des formes de vie pionnières"

Le Républicain Lorrain : Comment est né le terril de La Houve ?

Alphonse Muller : "Les terrils sont constitués d’un amoncèlement de schistes carbonifères qui proviennent des tailles de charbon. Nous trouvons également du grès, du conglomérat, issus surtout des creusements de galeries. Au Siège II, trois terrils se rejoignent pour former une colline qui domine le Siège d’une centaine de mètres et se fond dans le paysage. Autrefois, un skip sur plan incliné rapportait les matériaux sur le sommet du terril où ils étaient déversés sur des bandes..."

RL : Pourquoi un terril peut-il s’enflammer ?

Alphonse Muller : "Au temps de l’exploitation, il y avait environ 15 % de matières combustibles dans les schistes. Un certain pourcentage de charbon se trouvait également dans les terrils. Des sulfures sont aussi présents dans la roche. Les chaleurs de l’été, la pression et le glissement des schistes font atteindre des températures de 80°C, point de départ de l’oxydation. La température augmente ensuite rapidement jusqu’à 200 à 250°C : c’est l’inflammation du terril. Après un certain nombre d’années, les terrils étaient exploités et l’on pouvait voir que le schiste, qui était grisâtre au moment du déversement, devenait rougeâtre par la combustion. Il servait ainsi de matériel de remblai. Le schiste rouge sur le côté route du lac de Creutzwald, c’est du schiste du terril !"

RL : Du fait d’une température plus élevée, le terril abrite une flore atypique...
Alphonse Muller : "Milieu riche, instable et en mutation permanente, le terril constitue un biotope particulier où peuvent se créer des microclimats dûs à la combustion interne des amas de schistes. Le fond sombre des schistes doit jouer un rôle dans l’élévation de la température du sol en certains endroits bien exposés. De ce fait, nous pouvons rencontrer des espèces à tendance méditerranéenne telle l’astrée hygrométrique, un champignon en forme d’étoile, dont les lanières s’ouvrent en étoile lorsque l’atmosphère est humide et se referment par temps sec. Il y a aussi le pisolithe, autre espèce de champignon qui aime la chaleur. Autre catégorie rare : la mitre, d’évêque (gyromitra infula). On trouve aussi des plantes telles la petite pyrole et des orchidées. Et puis des arbres pionniers tels que les bouleaux verruqueux, les pins sylvestres, les saules marsault, les peupliers trembles ou encore les robiniers. Sur les terrasses anciennes, on trouve des chênes, des hêtres, des érables...".

RL : Des animaux vivent-ils aussi sur le terril ?

Alphonse Muller : "J’ai relevé des traces régulières de passages de chevreuils, lièvres, lapins et renards. Enfin, on y observe des oiseaux, des lézards et des insectes. Dans les trous d’eau, surtout à la base du terril, vivent des batraciens rares en régression et protégés sur le plan national, tels le crapaud vert et des tritons".

RL : Vous souhaite la protection du site qui, selon vous, a une vocation pédago­gique ?

Alphonse Muller : "Le Gecnal   a demandé à Charbonnages de France d’être tenu au courant au moment des travaux de sécurisation du terril afin que les naturalistes se rendent sur place pour indiquer les endroits sensibles. Les terrils contribuent certainement à l’enrichissement de la flore mycologique régionale en favorisant l’installation d’espèces rares pour la Lorraine. Les espèces sont souvent de grandes, dimensions et vivement colorées. Une fois que le terril sera sécurisé, le Gecnal   pourra faire des sorties pédagogiques avec les scolaires et les adultes. On pourra découvrir ces milieux très particuliers qui se sont installés avec l’exploitation du charbon...